LE PLUS. Invité dimanche 9 novembre sur le plateau de « Capital » sur M6, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a affirmé que son projet de loi sur l’activité obligerait les dentistes à indiquer, sur le devis, le prix d’achat des prothèses dentaires. Une bonne initiative ? Absolument pas, estime Franck Amoyel, chrirugien-dentiste.(
Caméra intra orale France)
Le futur projet de loi Macron sur l’activité entend développer la transparence, notamment chez les dentistes (SIPA).
Je ne comprends pas comment un ministre de l’Économie peut se permettre de dire : « Il faut faire pression sur les médecins. » Cela signifie qu’il ignore complètement la réalité économique d’un cabinet médical.
Avec une facilité déconcertante, le ministre de l’Économie annonce qu’il nous demandera, encore une fois, des efforts supplémentaires. Il faut croire que nous n’en ferons jamais assez.
Plus d’efforts sur nos tarifs, sur la transparence, sur le temps qu’il nous faudra consacrer à ces nouvelles exigences… Et où devons-nous trouver ce temps, au juste ?
Afficher le prix d’achat : une aberration totale
Comment supporter le poids des obligations administratives successives : faut-il le faire au détriment du temps consacré aux patients, ou plutôt celui consacré à nos familles ?
Savez-vous, Monsieur le Ministre, qu’avant même de commencer à soigner un patient, il m’arrive de passer une heure en consultation avec lui et une autre heure pour élaborer son plan de traitement ?
Et tout cela pour 23 euros, puisque c’est le tarif de consultation qui m’est imposé par la Sécurité Sociale… Il nous faut donc faire toujours plus d’efforts, mais à nous seuls… C’est un peu trop facile.
Nous demander d’afficher nos prix à l’achat dans la salle d’attente, c’est comme réclamer à un grand cuisinier de dire combien il a payé sa viande. C’est une aberration totale.
Mais, ce qui me choque le plus dans le discours d’Emmanuel Macron c’est que d’un côté il y a le conseil de l’ordre des dentistes, pour la déontologie, qui dit qu’on ne doit pas exercer notre activité comme un commerce (article R4127-215 du code de déontologie dentaire) et, de l’autre, le ministre qui parle de concurrence et donc de commercial.
Un projet de loi en dehors de toute réalité
Si la loi Macron passe, et que l’on est obligés d’indiquer sur le devis le prix d’achat de la prothèse, on va être confrontés à certaines difficultés.
Déjà, il va m’être difficile de donner un prix d’achat alors qu’avant la signature du devis, je n’aurai pas encore acheté la prothèse au prothésiste.
Ensuite, sur une prothèse facturée 800 euros à mon patient, le prix d’achat est d’environ 130 euros. Mais à cela s’ajoutent toutes les charges et frais de fonctionnement du cabinet, soit environ 400 euros : loyer, assurance civile professionnelle, cotisations de prévoyance du dentiste, fournitures, consommables, salaire des assistants, Urssaf, EDF, frais de comptabilité, matériaux et matériel.
Les 250 euros qu’il reste sur les 800 facturés, c’est la main d’œuvre du dentiste pendant les plusieurs séances nécessaires à la pose d’une prothèse.
Si je dois afficher le prix d’achat, j’afficherai aussi tous les coûts de fonctionnement. On en arrivera à un déballage de chiffres et le patient n’y comprendra plus rien.
Un cabinet médical coûte cher, très cher
Le plateau médical dentaire est le plus coûteux des plateaux médicaux. Avec du matériel récent et de radiologie, son fonctionnement coûte entre 300 et 500 euros par heure.
A son installation, un dentiste débutant doit investir 500.000 euros pour démarrer son activité. Un fauteuil coûte 30.000 euros, une machine à radio entre 70.000 et 80.000 euros. On les a en leasing pour plusieurs années. Cela signifie que ce matériel est mis à notre disposition pour une période donnée contre le paiement d’une redevance périodique. C’est une sorte de location avec option d’achat à la fin.
Additionnées, toutes ces charges me coûtent 35.000 euros par mois.
Depuis 20 ans que je suis installé, toutes ces frais fixes ont considérablement augmenté, mais pas mes tarifs. Il faut voir à quel point nos charges sont conséquentes et ce sont elles qu’il faudrait diminuer.
Mais ces prix ne peuvent pas baisser comme voudrait le faire croire le ministre de l’Économie car le coût de fonctionnement d’un cabinet ne diminue pas.
Je joue déjà le jeu de la transparence
Pour ma part, je ne souffrirai pas de cette loi car je suis déjà transparent avec mes patients, et je pense qu’on l’est tous.
Actuellement, on a déjà l’obligation d’afficher les tarifs que l’on pratique dans la salle d’attente et la provenance des prothèses.
Cette obligation qui existe depuis plusieurs mois éveille des soupçons sur les dentistes, comme s’ils étaient des trafiquants de prothèses.
C’est déshumaniser la relation entre un dentiste et son patient, y introduire de la tension, faire que cela ne soit plus une relation de confiance.
Je ressens déjà cette tension et des interprétations erronées de la part de mes patients.
Le véritable enjeu : relancer la prothèse made in France
C’est en fait un faux débat que lance Emmanuel Macron, qui cache la volonté de relancer les prothèses made in France sous la pression du lobby des prothésistes dentaires français. Car actuellement, environ 20 % des cabinets dentaires s’approvisionnent en prothèses à l’étranger car elles sont moins chères. Ce qui crée un manque à gagner pour les prothésistes français. C’est une pression exercée par les syndicats de prothésistes vu que leur marché est attaqué.
Finalement, ce sera juste pour savoir si le patient a une prothèse française ou étrangère. Et ce débat n’a pas lieu d’être. Le dentiste le dit à son patient si la prothèse est moins chère car produite à l’étranger.
Le fait d’afficher le prix de la prothèse, c’est demander au patient de choisir lui-même son prothésiste. Or, comment peut-il avoir l’expertise nécessaire pour bien choisir son prothésiste ?
Et, est-ce que le patient demandera absolument une prothèse française comme Macron le souhaiterait ? Eh bien non, il choisira une prothèse étrangère car elle sera moins chère.(
lampe de blanchiment dentaire)
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